Chronique du vendredi 29 mai
Martyrs honorés. La justice attendra !
Ce samedi, 30 mai, le gouvernement a décidé d’une journée d’hommage aux martyrs de l’insurrection des 30 et 31 octobre.
Il y a deux aspects qui retiennent l’attention dans l’énoncé.
Ceux qui seront honorés ce 30 mai, sont estampillés « martyrs » de la nation
Ensuite, il s’agit que des victimes de l’insurrection des 30 et 31 octobre.
En ce qui concerne le premier point, l’estampillassions « martyrs de la nation ». Il est incontestable que ces jeunes, la plus part sont effectivement très jeunes, qui se sont sacrifiés pour affranchir notre peuple du joug des frères Compaoré, méritent amplement d’être ainsi élevés. Mais ils auront certainement le sentiment de l’avoir bien mérité, s’il y avait eu au moins un effort de conceptualisation du statut de martyr. En effet que faut-il entendre par « martyr » ? Sur la trentaine de morts, le dernier rapport du MBDHP sur l’insurrection avance le chiffre 34 morts, combien mérite « d’être ainsi élevés » ? Dans son point de presse, du 27 mai, le gouvernement a exclu de la liste « ceux qui sont morts en tentant de voler des sacs de riz ». Sauf qu’il n’a pas dit combien de morts, selon ses évaluations, auront la porte du Panthéon Burkinabè ouverte et sur quel critère ? Si on considère le critère « de mort par balles » Combien sont-ils ? Le gouvernement par la bouche de Joséphine Ouédraogo, la Garde des sceaux, dit qu’une information est ouverte pour neuf morts, sans préciser de quoi ils sont morts. Le rapport du MBDHP évoque « 19 tués par balles ». Que faut-il considérer ? Un statut ne peut-être octroyé que sur la base de critères. C’est la seule façon de donner un contenu et de la valeur à la distinction. En l’espèce ici, les ayants droit, devront en trouver les motifs « d’une compensation morale de leur douleur ». Et puis on ne proclame pas « martyrs » comme disent les anglophones « free of charge ». La nation reconnaissante doit « infrastructurer sa reconnaissance ». On ne peut pas être « fils de martyr » et se retrouver dans les rues de Ouagadougou, à faire le garibout, parce que le parent vivant n’a pas les moyens de vous inscrire à l’école. Ce serait une absurdité. C’est pourquoi, ailleurs, pour accéder à ce statut, il faut de longues enquêtes et une bonne documentation sur la victime, sa vie et ses engagements. Parce que, même si on considère, le facteur de « mort par balles » pour être proclamé, dans le cas d’espèce, martyr, on n’aura pas pertinemment résolue la question. Entre un vrai militant engagé et déterminé sorti ce jour pour en finir avec le régime Compaoré, quoique cela lui en coûte et un badaud attiré par la clameur et qui se prend une balle, les deux méritent incontestablement justice, mais pas le même statut. Surtout pas celui de martyr, pour le second. Le premier a dédié sa vie, en sachant qu’il peut la perdre. Le second est mort par imprudence. Il est absolument important de faire ce travail préalable. En ce moment la journée du 30 mai serait une journée des martyrs, célébrée pour le symbole et aussi pour respecter un engagement, dont les bienheureux élus sont à venir.
Ensuite la limitation de la célébration aux seuls martyrs des 30 et 31 octobre, ne donne pas beaucoup de chance à cette date d’être un moment important du calendrier national. Il peut se comprendre dans le contexte actuel, mais en élargissant à tous les martyrs de la nation, (cela suppose une fois de plus que le critère de qui est martyr soit défini au préalable), la transition aurait enracinée cette date comme un moment important de la nation à léguer aux générations futures.
Enfin, ce qui est gênant quelque part, c’est que la commémoration de ce 30 mai qui honore les morts de l’insurrection, sans au préalable leur avoir rendu justice, rappelle ce qui avait cours au de temps Blaise Compaoré. C’est l’un des aspects ou Blaise n’a pas été chiche avec ses victimes. Il les a tous honoré de journées, de monuments et parfois de subsides à leurs ayants droits, sans jamais leur accorder, le plus important, la justice. La transition avait tous les moyens de faire mieux.
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Comment devient-on martyr ?
Sans remonter jusqu’à Mathusalem, martyr est d’abord un mot religieux à l’origine réservé au chrétien persécuté et tué du fait de leur foi. Mais l’Eglise n’encourageait pas au martyr et l’évangile indiquait l’attitude à adopter face à la persécution : « si l’on vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre ». L’Eglise dissuadait la recherche suicidaire « de martyr », mais soulignait en même temps que « le martyr est un idéal et une grâce ». D’où une vraie doctrine de l’Eglise élaborée à ce propos avec des codes et des indications précises. Tous les persécutés n’ont pas droit à la qualité de martyr. Par exemple cette qualité n’est pas reconnue au Christ, quoique mort par persécuté.
L’expression sera empruntée par la suite par le monde séculaire et laïc. En politique aussi il fait son entrée, mais à chaque fois il est codifié. C’est pourquoi, nos confrères du Monde, en France, contesteront qu’on puisse attribuer cette qualité «lorsque la seule caractéristique réelle de la victime est d’avoir eu le malheur de croiser le chemin de son bourreau ».
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