Sans Détour

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Soldats de la transition ou tirailleurs de Zida ?

 

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La transition a connu sa première sérieuse secousse le 4 février dernier.  Elle a engendré ou formalisé aussi un début de recomposition des composantes de la transition. Jusque-là on avait, grosso modo, trois principales composantes : RSP/ZIDA, Société civile et partis politiques. Il y a désormais une nouvelle composante en formalisation Zida/société civile.   

Nous sommes à un tournant important de la transition avec une recomposition, pas forcément heureuse qui se dessine. Depuis décembre, le processus de divorce entre Zida et le RSP est amorcé et a abouti en ce début février à une séparation définitive. Pour soutenir désormais le soldat Zida, il y a un conglomérat constitué pour l’essentiel de quelques organisations de la société civile et de certaines personnalités ressources. Le slogan « Zida comme institution » qu’il faut défendre contre le RSP. Les nouveaux soutiens s’organisent un peu à la façon des « patriotes ivoiriens ». Pour l’essentiel, ce sont des jeunes membres d’organisations bien connues qui ont un temps été des appendices de certains partis politiques et qui ont été « détournés » par Zida depuis le 31 octobre. Ces jeunes-là sont désormais les légionnaires d’un Zida en rupture de ban avec ses anciens frères d’armes. Ils sont appuyés par des légionnaires plus capés, professeurs et enseignants d’université.

Le mot d’ordre c’est  « la dissolution du RSP et la mise aux arrêts de son commandement ». Un combat qui, s’il aboutissait, profiterait évidemment à Zida, mais pas seulement. Il aura une implication importante sur la suite de la transition. Après le 4 février, l’échafaudage institutionnel qui a assis la transition est bouleversé. L’armée y était représentée (par une tacite acceptation) par le représentant du RSP qui était Zida. Le 4 février, le RSP lui a retiré sa confiance. Si les officiers après une nuit (du 4 au 5 février) de longues négociations avaient consenti que Zida reste à la primature, les soldats du régiment par contre n’ont pas été faciles à convaincre. Il a fallu de longues négociations avec eux toute la journée du 5 février. C’est vers 17 heures qu’ils ont fini par céder, mais en refusant de rompre les rangs. Ils refusaient de se démobiliser tant que les décrets n’auraient pas été signés. Une attitude qui renseigne sur le degré de désamour qui prévaut désormais entre le RSP et Zida. Cette rupture a été construite sur des allégations qui ont contribué à intoxiquer le climat entre les deux protagonistes. Au RSP, info ou intox, on est convaincu que Zida entretiendrait une relation secrète avec certains éléments de l’armée radiés en 2011, après les graves mutineries. Avec eux, il envisagerait de créer une unité semblable à la « FIMAT » qui pourrait lui servir de rempart contre un RSP qu’il n’arrive pas à dompter, malgré les nominations qu’il a pu y faire ces derniers temps. Nonobstant les nouveaux accords qui rabibochent Zida et le RSP, la rupture est consommée. Il n’est pas évident que les manifestations projetées contre le RSP, donc en faveur de Zida, contribuent à les rapprocher.

Il y a donc une nouvelle situation qui se crée et qui ne manquera pas de produire des effets. Si Zida n’a plus le soutien du RSP a-t-il celui du reste de l’armée ? Pour l’instant dans ce différend, l’Etat-major général des armées est restée bien discret. Mieux, le RSP en œuvrant habilement et en plaçant le différend sous l’angle de la violation du respect de la hiérarchie a pu rallier les autres officiers supérieurs de l’armée. Le RSP a facilement réussi que Zida avait depuis froissé l’honneur de nombre d’officiers supérieurs par son attitude au début de l’insurrection. Beaucoup d’officiers supérieurs ne sont pas mécontents des tuiles qui lui tombent actuellement sur la tête et ne feront pas grand-chose pour le sauver. Il faut dès lors s’interroger sur le nouveau statut de Zida. De qui tient-il sa légitimité dans la direction de la transition ? Au terme de la charte, le président de la transition est désigné par un collège, mais le premier ministre est nommé par le président. Il est donc révocable. La seule chose qui rendait sa révocation presque impossible ou en tout cas difficile à mettre en œuvre c’est qu’il était le représentant d’une composante essentielle de la transition. Désormais, il y a deux cas de figure qui se présentent :

-          Zida tient sa légitimité du président Kafando qui l’a nommé. Dans ce cas, il est un simple fusible que le président peut sacrifier en cas de besoin.

-          Zida se constitue une nouvelle base sociale. Notamment sa nouvelle légion qui se constitue. Dans ce cas, on est à la veille d’une politisation de Zida avec un groupe de soutiens qui préfigure la naissance d’un parti politique. Si cela advient, dans pas très longtemps il va rentrer en concurrence avec les partis politiques et ce qui ressemble à un pacte de « non-agression mutuelle » entre Zida et les grands leaders des partis politiques va voler en éclat. La transition va commencer à tanguer, parce que le premier ministre, même s’il ne peut pas physiquement faire acte de candidature, œuvrera à favoriser les candidats de son parti.

Un troisième cas de figure est probablement possible, mais avec des risques encore plus grands pour la transition. Les soupçons qui sont allégués présentement contre Zida se confirment avec la mise en place de sa « FIMAT ». Très vite et plus que le RSP elle va devenir une milice qui va provoquer un affrontement inévitable avec le RSP et le reste de l’armée.

La société civile n’en sortira pas indemne. La tournure prise par les événements va impacter forcément négativement sur cette nouvelle société civile qui a vu le jour à la faveur de la contestation de Blaise Compaoré dans les dernières années de son règne. Si elle a incontestablement contribué à la chute du régime de Blaise Compaoré, elle a fait des choix après l’insurrection qui sont en train de vendanger son crédit. Que des commerçants de Bobo en viennent à brûler une voiture des éléments de cette société civile venus les contraindre à participer à une manifestation est symptomatique du nouveau regard que beaucoup de Burkinabè portent sur ces nouveaux « golden boys » de la société civile, preux chevaliers d’une transition où ils mangent gloutonnement.

La pauvre transition.

Quand les soldats du RSP dans leur coup de sang disent qu’ils ne veulent plus que des militaires se mêlent de politique et qu’en conséquence Zida et les autres officiers du gouvernement rendent le tablier, cela ne parle pas aux croisés de la transition. Or c’est là une question principielle plus importante que ce raout contre le RSP et pour Zida.

Les manifestations bruyantes actuelles auraient eu plus de bénéfices pour la transition et pour la démocratie si au lieu de se cantonner seulement sur la détestation du RSP, elles embrayaient les questions de principe et de fonds. Quelle place l’armée doit-elle avoir dans notre processus démocratique ? Si cette question est correctement résolue le reste, y compris le sort du RSP, se résout dans la configuration nouvelle de l’armée et des missions qu’on voudra lui assigner. En ce moment, en fonction de la politique de défense de notre pays on décidera des corps d’élites qu’il faut et du personnel à pourvoir.

C’est pourquoi le dernier rapport de International Crisis Group recommande à propos du RSP, justement de : « dissoudre le RSP en concertation avec une majorité de ses membres, en leur garantissant un maintien de leur rémunération, leur droit à la retraite et leur garantie de carrière (…) » Mais aussi de : « Terminer la rédaction du livre blanc sur la défense nationale afin de mieux définir les enjeux de sécurité et de défense pour le Burkina Faso et ce pour les dix années à venir »

 

 



12/02/2015
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