Sans Détour

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Dossiers justices

Le gouvernement agit et réfléchit après

 

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Norbert ? Il faut des faits nouveaux pour rouvrir le dossier. Sankara? En principe, c’est prescrit. Le gouvernement prend des décisions comme si tout allait de soi. Or rien n’est simple justement.

Le conseil des ministres du 4 mars dernier a pris des mesures qui formellement devraient faire avancer les choses. Il y a eu dans un premier temps un listing des dossiers que la justice devrait mouvementer. Il s’agit des dossiers Sankara, Dabo Boukary (l’étudiant en médecine mort dans les locaux du Conseil de l’Entente, siège de la garde présidentielle en 1999), Norbert Zongo, Flavien Nébié et Salif Nébié.

Le conseil des ministres aussi a fait droit à la demande de la famille de Sankara d’exhumer les restes de l’ancien président et de procéder à toutes les expertises pour identifier son corps.

L’annonce de ces informations a un temps fait sensation. Mais un enthousiasme qui est vite retombé. Parce que les choses sont très complexes et il apparaît à l’analyse que le gouvernement n’en a pas cerné  tous les contours avant de prendre les décisions.

Les difficultés ?

Le dossier Sankara est allé jusqu’à la cassation. Le recours a été examiné et la cour de cassation avait jugé « irrecevable le pourvoi pour défaut de paiement de caution de 5000 f cfa ». Dans les règles de la procédure, le recours demandant de saisir le juge militaire est éteint. Donc pour les puristes de la procédure, on ne devrait plus rien pouvoir faire dans le dossier Sankara. Il semble du reste que c’est ce qu’avait compris la famille qui avait multiplié les artifices pour éviter la prescription. C’est dans ce sens que l’exhumation des restes de Sankara avait été demandée par la famille. Les décisions de la Transition sur ce dossier, aussi bien le président Kafando que le premier ministre Zida sont en total décalage avec la réalité. 

On peut imaginer bien évidemment des artifices pour contourner la prescription qui serait devenue effective depuis la décision du juge de cassation. Il y a à ce niveau deux possibilités.

-         Il y a la décision de la Cour des droits de l’homme des Nations unies qui avait été saisie et qui avait conclu que la famille Sankara qui a droit à la justice, n’avait pas obtenu justice de la part de l’Etat du Burkina.

-         Ensuite, on est obligé de considérer que la prescription est impossible dans le dossier Sankara, parce que ces ayants droit n’ont jamais cessé de demander et de multiplier les artifices pour mettre la justice en mouvement. C’est la justice qui a multiplié les entraves et les prétextes pour ne pas bouger. Par exemple la cassation qui rejette l’examen du pourvoi pour défaut de paiement de 5000 f cfa. Or le greffier de la cassation aurait pu demander aux conseils de la famille de Sankara de satisfaire à cette obligation purement administrative, avant d’enrôler le dossier.

Mais ce sont des faits et en justice ça compte. Il faut maintenant que les autorités ne continuent pas dans des déclarations hasardeuses. Depuis le dernier conseil des ministres, des concertations se mènent au niveau du ministère de la défense pour voir comment ordonner l’ouverture du dossier. A ce qu’on dit ; « ça coince ». Contrairement aux déclarations optimistes du procureur général à « Dimanche politique » de radio Omega, la saisine du juge militaire pourrait bien prendre un bon bout de temps.

Le dossier Norbert, aussi devrait connaître une réouverture. A ce qu’on dit un juge d’instruction a été nommé, mais pas encore annoncé, pour des « raisons de paperasserie » dixit le PG à « Dimanche Politique ». C’est peut-être vrai, mais là encore, le gouvernement semble avoir mis les charrues avant les bœufs. Parce que dans ce dossier aussi le « Non-lieu » prononcé en 2006 équivaut à un abandon de la procédure. Pour que la procédure reprenne, il faut des faits nouveaux. Le gouvernement aurait dû d’abord, par l’intermédiaire du Garde des sceaux, constater des « faits nouveaux » et demander en ce moment-là au procureur général qu’un juge d’instruction soit saisi pour reprendre l’instruction. Est-ce que des faits nouveaux ont été trouvés ? Si oui lesquels ? Pour l’instant rien n’a été dit sur ces questions. D’aucuns pensent que les courriers retrouvés chez François Compaoré peuvent constituer des faits nouveaux. Il eut fallu alors l’annoncer et sur cette base ordonner la réouverture du dossier. C’est terrible quand même de voir, comment même les décisions qui auraient dû leur valoir des lauriers deviennent des fouets contre le gouvernement. C’est le cas par exemple du décret d’exhumation des restes du président Sankara. Ce décret est devenu la pomme de discorde entre la famille et le gouvernement. Pourquoi ? Parce que le gouvernement n’a pas pris le temps de se concerter avec la famille. Si un temps elle a demandé l’exhumation, c’était un moyen détourné pour contourner les entraves de la justice qui ne veut pas instruire le dossier de l’assassinat du président Sankara. Une petite concertation avec la famille Sankara aurait permis au gouvernement de prendre la bonne décision. Finalement ce décret va faire objet de reconversion pour s’insérer dans la procédure judiciaire et s’opérer sous la supervision du juge militaire.

Pour les dossiers Dabo, Flavien il faut aussi voir s’ils ne sont pas prescrits. Ou s’ils ne sont pas pris en compte dans la procédure de réconciliation qui avait été un temps confié à Ram Ouédraogo. Il faut se rappeler que cette procédure de réconciliation imposait aux familles de choisir « entre la procédure judiciaire et les dédommagements ». Une attitude indécente que nous avions dénoncée dans ces mêmes colonnes. Mais dans un environnement d’indigence crasse certaines familles n’avaient eu d’autres choix que de succomber à la tentation des dédommagements. 

Il y a aussi une difficulté, par rapport aux dossiers des morts de l’insurrection. Si on considère, le rapport d’Amnesty International, récemment publié, les morts, dans leur majorité l’ont été par les militaires et les gendarmes. Si c’est le cas, c’est la justice militaire qui est compétente. Le ministre de la Défense qui a seul pouvoir de saisir la justice militaire aurait pu directement saisir le juge militaire. Or ce qui se dessine c’est d’abord la saisine du juge civil. Celui-ci va instruire et va se rendre compte qu’il n’est pas compétent. Il va en ce moment saisir le parquet qui à son tour va saisir sa hiérarchie pour qu’elle saisisse le ministre de la Défense. On est donc parti pour des labyrinthes dans une procédure qui peut-être simplifiée. Quand on observe tout ça, on se demande pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

 

Encadré :

Selon nos sources, c’est le juge Emile Zerbo, précédemment juge d’instruction à Bobo Dioulasso qui va hériter des dossiers Norbert, Dabo et Flavien. Le dossier Salif Nébié est déjà confié à un juge d’instruction. Sauf à considérer que Emile Zerbo vienne renforcer le juge qui instruit le dossier Salif Nébié dans un cabinet nouvellement crée à la TGI à Ouaga.

 



12/03/2015
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