Sans Détour

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Blaise à Abidjan

Faut-il  y voir une menace ?

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La nouvelle est beaucoup commentée au Burkina. Elle fait même des gorges chaudes dans les milieux qui se sont autoproclamés « défenseurs de la transition ». Mais en réalité n'est-ce pas la suite d’une errance d’un Blaise Compaoré de plus en plus inconfortable dans une vie d’exile qu’il n’avait jamais envisagé?

Dans sa vie de citoyen, Blaise Compaoré a très peu vécu hors du Burkina. Il fait le Cameroun, mais en situation de stage militaire et il avait toute la latitude de revenir au Burkina, quand il le voulait. Or depuis le 31 octobre, il a quitté le Burkina pour un « aller simple », sans savoir quand est-ce qu’il y reviendra encore. L’exil a ceci de particulier qu’il ressemble à un sac de coton. C’est plus ça dure sur la tête que l’on s’aperçoit de son poids. Blaise est hors du pays depuis bientôt quatre mois. Il a essayé le Maroc, pour des raisons de santé et aussi pour ne pas indisposer le gouvernement ivoirien, qui est obligé de continuer à avoir de bons rapports avec Ouagadougou. Mais vraisemblablement le Maroc ne va pas bien avec le tempérament du couple Compaoré. Chantal est une mondaine et Blaise, même introverti, aime une certaine ambiance de vie, ce qu’on ne trouve pas forcément au Maroc. C’est sans doute ce qui explique le retour du couple sur la terre ivoirienne où Chantal est chez elle.

Pourquoi Abidjan ?

Il est possible que cette discrète migration à Abidjan ait deux raisons :

-          L première est politique. Dans quelques semaines, devrait se tenir sur le territoire ivoirien et à Yamoussoukro précisément, la réunion tournante du « TAC » le traité d’amitié et de coopération qui lie les deux pays, sous le modèle Franco-Allemand, depuis le gouvernement Gbagbo. Cette rencontre annuelle de haut niveau réunie les techniciens de coopération et s’achève chaque fois par un conseil des ministres des deux  gouvernements au complet. On peut imaginer que pour des raisons de commodités diplomatiques, Abidjan a prié Blaise de rejoindre la capitale.

-          La deuxième raison peut être liée à la santé du président Blaise Compaoré. Elle était déjà préoccupante quand il était au pouvoir, ça ne s’est pas arrangé depuis qu’il a quitté le pouvoir. Abidjan dispose de plus de commodités que Yamoussoukro, de ce point de vue. Et puis Abidjan sied mieux à Chantal et aussi à François.  Ce dernier peut ainsi, sans trop de tracas voir son frère quand il en a envie. La même chose pour le reste de la famille.

La réunion à trois ; Ouattara, Faure et Blaise

D’aucuns y ont vu, la réunion de complot. Ils ont peut-être raison. Mais c’est oublié que ces réunions à trois se sont souvent tenues et très souvent quand Blaise ne va pas bien. Il faut se souvenir en avril 2012, quand Blaise a été en catimini se soigner en France et a fait un séjour dans les montagnes pour respirer l’air glacial, à son retour il s’est retrouvé à Yamoussoukro avec Faure et Ouattara, pour envisager « l’éventualité d’une disparition précoce ». Evidemment c’était pas l’ordre du jour officiel. Les indiscrétions en Côte d’Ivoire avaient permis de savoir qu’il avait fallu un temps pour doper Blaise et lui permettre de sortir de l’avion pour l’accueil officiel. Depuis les trois se concertent assez souvent  et Faure a fait un voyage express pour voir Blaise quelques jours avant qu’il n’engage la modification constitutionnelle qui l’a perdu. Ces trois là représentent les gardiens de la Françafrique ou d’une certaine conception des intérêts franco-africains. On peut donc imaginer que cette rencontre a trait à l’état de santé de Blaise. Evidemment cela n’exclu pas de parler d’autres choses et notamment le sort du Burkina et d’un éventuel soutien aux candidatures à la présidentielle burkinabè qui préserveraient les intérêts de Blaise et de sa famille. Quand on dit ça les « imbéciles » regardent YAC, Bassolet et d’autres généraux qui pourraient se proclamer. Ils en auront pour leur étroitesse de vue.

La faute à un Kafando qui ne fait rien, pour desserrer l’étau autour de son gouvernement,       

La politique étrangère révèle du président du Faso. A ce titre Kafando aurait dû avoir une politique diplomatique plus hardie vis-à-vis de la Côte d’Ivoire. Il fallait justement embarrasser encore plus Ouattara. Il est évident qu’il restera éternellement reconnaissant à Blaise, mais les intérêts des Etats sont dessus des amitiés personnelles. Or tout se passe comme si Kafando avait décidé de « laisser la Côte d’Ivoire à Blaise ». En la matière il y a de belles scènes qui mettent forcément mal à l’aise le vi-à-vis et le conduise à plus de circonspections. Et puis de tout temps ces situations se sont posées entre les deux pays. En 1966 après le départ de Maurice Yaméogo, Houphouet qui ne voulait pas encourager des coups d’Etat dans la région, en a voulu un bon moment à Lamizana avant de se rabibocher avec lui, quand il n’a pas eu d’autres choix. Sous Blaise c’est Gbagbo qui en a voulu au Burkina, des années durant, avant que la realpolik ne s’impose à lui. Kafando n’a pas le choix que de mettre Ouattara en situation de choisir entre le Burkina et Blaise. Tant qu’il laissera le champ libre, Blaise Compaoré en profitera. A ce propos il faut se souvenir de l’amertume d’un Bismark, chancelier Allemand quand il  a été évincé par le nouvel empereur germanique (1890) : « on ne peut pas me demander, après avoir fait quarante ans de politique, que, soudainement, je ne m'y intéresse plus du tout». Peut-on vraiment demander à Blaise qui a aussi marqué la vie politique de notre pays ces trente derrières années, comme Bismark l’a fait pour l’Allemagne à la 19e siècle, de ne plus s’’intéresser à la politique du Burkina ? C’est impossible évidemment.

Ceux qui poussent actuellement des cris de putois, contre un éventuel retour de Blaise et de ses partisans et veulent imposer de ce fait « un front national » devraient interroger quotidiennement leurs pratiques dans la gestion des affaires de l’Etat. Quand au CNT on s’octroie plus 800 000 f cfa de salaire mensuel, on n’est plus crédible et on n’est plus audible. Quand les ministres de la Transition nomment leurs copains et transvasent les employés de leur structure d’origine dans  le ministère qu’il dirige, Blaise n’a pas beaucoup d’efforts à faire pour se faire regretter. La chance de notre transition, c’est très probablement parce que Blaise est diminué par la maladie. Autrement il ne lui était pas difficile aujourd’hui de rééditer ce que Sassou a fait au Congo sous l’éphémère démocrate Lissouba.

NAB      

 



18/02/2015
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