Sans Détour

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Chronique du jour !


Insurrection An I

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A peuple vaillant, élites inaptes !

 

 

En ce premier anniversaire de l’insurrection on devrait être en train de célébrer un nouveau président, une nouvelle équipe et ouvrir les bras à un nouvel avenir qui ne devait pas être « comme avant ». Hélas ce sont nos morts que nous célébrons. Ceux qui sont tombés pour l’insurrection en octobre 2014, pour lesquels rien n’a été encore fait, en dehors des hommages, nombreux et toujours grandiloquents avec des effets d’annonce dont les modalités de mise en œuvre restent hypothétiques, puisque l’administration qui les a décidées est en fin de parcours (du moins on l’espère).

 

Puis il y a eu les morts pour sauver la transition, en septembre face au coup d’Etat du RSP. Ceux-là sont morts sous les balles de la soldatesque RSP, mais aussi par la responsabilité de la transition. Leur mort est le signe que la transition n’a pas été conduite comme il fallait. Leur mort indexe donc quelle que part la responsabilité des acteurs de la transition. Mais comme on le sait il en va de la responsabilité comme de la justice « selon que vous faites forts ou faibles la justice ou la responsabilité ne peut pas être la même pour tous ».


Pendant les douze mois de la transition, elle a passé plus de temps à célébrer les morts qu’à construire un nouveau Burkina différent de celui de Blaise Compaoré. C’est vrai que les moments forts des peuples se cimentent par le sang vaillant des martyrs. Mais les martyrs ne meurent pas pour que l’ordre ancien renaisse sous une forme différente. Ils se sacrifient pour tuer l’ordre ancien et le changer en mieux. Est-il possible de dire aujourd’hui qu’on amorce un nouvel ordre ? Si la disparition des seuls symboles du système Blaise suffisait à le réaliser, on aurait dit « bingo ! » pour la transition. Mais comme on dit « faites vos jeux, rien ne va plus ! ».

 

Une autre transition va s’ouvrir !

 

 Les élections qui vont se faire aux conditions de la transition vont accoucher d’une autre transition, plutôt que d’ouvrir une nouvelle ère. On le voit d’ailleurs, beaucoup de gestionnaires de la transition passent leur temps à négocier et à plaider les conditions d’un recyclage dans le pouvoir qui sortira des urnes. On marchande des soutiens et on met plusieurs fers au feu. Tout laisse croire que actuellement c’est la dépouille du CDP que l’on se dispute. La direction des « rescapées » se vend aux plus offrants. Ceux dans le lot dont on est pas sûrs vont se voir coller des soupçons de connivence avec le putsch ou les putschistes. Certains gendarmes confient en ville qu’un grand candidat même est soupçonné, mais c’est parce qu’on craint ses partisans qu’on n’ose pas le convoquer. Les gendarmes on le sait, sont ceux qui conduisent l’instruction actuellement. Ils sont donc dans le secret des Dieux. Donc comme on le voit "même devant cette instruction, il n'est pas sûr que nous soyons tous égaux"!


La transition finit donc dans ce climat extrêmement délétère. Remarquer ! Personne n’ose parler aujourd’hui librement au téléphone. Chacun a peur même de son ombre. Or la démocratie non encore abrogée sacralise la liberté d’opinion. Même erronée. Car en vérité le putsch proscrit, c’est vrai dans la constitution, résulte d’une impossibilité d’expression d’une opinion, probablement minoritaire, puisque c’est pourquoi il a échoué. Mais on peut passer tous ceux qu’on soupçonne aujourd’hui par les armes, si les conditions d’un coup d’Etat sont réunis, il surviendra demain. C’est pourquoi, sans nier le besoin et le droit à l’instruction, il faut et, nous n’avons cesse de l’écrire, le dédoubler d’un accompagnement politique. Pas le faire, comme c’est le cas présentement par le chef du gouvernement avec des messes basses avec certains exclus, mais le poser comme une nécessité publique d’intérêt national. En ce moment les choses sont claires. Les résultats profitent à la nation entière. Il est étonnant d’ailleurs que certains politiques continuent de croire qu’ils peuvent souterrainement soudoyer et intriguer sans qu’on ne s’en rende compte. Ils le font depuis le début de la transition. Ils sont chaque fois pris la main dans le sac, avec toutes les conséquences, mais continuent. On est obligé de croire à une sorte fatalité de la bêtise. L’ancien président Jean Baptiste Ouédraogo ne dit pas autre chose quand il se désole que : « j’ai comme l’impression que les hommes politiques ne tirent pas suffisamment leçon du passé, qu’il soit récent ou lointain. Ils ont plutôt tendance à reproduire les mêmes clichés ou les mêmes schémas qu’ils ont combattus en se disant qu’ils peuvent les reproduire autrement (…) Je me demande ce que représentent pour eux les concepts de République, de démocratie et d’Etat de droit. La politique telle qu’elle se mène actuellement, a des chances de reproduire les mêmes effets qui ont, tantôt, été combattus car les mêmes causes produisent les mêmes effets… ».

 

On ne pouvait pas trouver mieux pour décrire la situation de la transition 12 mois après. La politique du châtiment ne produit aucun résultat probant. Ceux qui sont victimes crient à l’arbitraire et ne seront pas enclins à la contrition. On peut humilier un homme, le bafouer le contraindre à baisser la tête, on en fera jamais un allié. Parce que le refus et la révolte sont intérieurs, indicibles, mais jamais submersibles. Ils refont surface chaque fois que l’occasion se présente. Il faut donc gagner les gens et non les contraindre par les voies de l’humiliation.

 

Ensuite les vainqueurs, comme dans une sorte de fatalité reproduisent toujours les « mêmes schémas » en se disant « qu’ils peuvent les reproduire autrement ». C’est la caricature à laquelle nous assistons dans la transition. Au moment où les députés CNT envoient les anciens dignitaires à la MACO pour prévarication, leur gestion est la pale copie de celle qui vaut à ces anciens dignitaires les liens de la prévention. Certains responsables d’OSC ont été raccompagnés chez eux avec des sacs de millions, au moment du couvre-feu des premiers moments de la transition. Leurs contempteurs disent 300 millions, certains, entre copains, reconnaissent plutôt « 250 millions ». Depuis les trains de vie ont changé. Certains vont dans les buvettes, déposent une liasse d’argent et intiment l’ordre aux convives qu’ils ont convié de les épuiser dans les beuveries sinon, c’est « imbouge ». En moins de douze mois, d’autres sont en chantiers, comparables à ceux que les anciens dignitaires ont mis des décennies à réaliser. Ils oublient qu’ils ont voté une loi sur le délit d’apparence. Pour le moment qu’ils ne sont pas pressés de mettre en œuvre. Les décrets d’application ne sont pas pris. Le débat a longtemps échoppé sur le seuil. A partir de combien de millions de réalisations on tombe sous le coup du délit d’apparence ? Evidemment si on met la barre à la hauteur de certains « qui n’ont pas de comptes bancaires mais ont des réalisations de plus de 600 millions », autant dire personne ne tombera dans les fourches caudines de cette loi anti-corruption.

 

Alors à défaut de faire mieux et de disposer pour l’avenir, la transition se transforme en « pleureuse de funérailles ». Les morts des autres qu’on adore si bien chérir. De toute façon les leurs ne mourront jamais. Les autres meurent pour qu’eux s’enracinent dans leur fauteuil, le coffre-fort à portée de main. Le bon peuple est content et se contente des effets de manche. Sauf que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le bon peuple burkinabè finit par être très méchant. Juste pour les jeunes générations. En 1983 le bon peuple Burkinabè montait au pinacle Blaise Compaoré, que l’on chérissait pour sa fermeté, c’était une sorte de Denise Auguste Barry de l’époque, celui qui péremptoirement éructait quand on parlait de l’exécution de la bande à « Didier », accusé de putsch. Blaise Compaoré aussi, il ne faut pas le croire, a eu son heure de gloire. Quand autant de Burkinabè que ceux qui le détestent aujourd’hui étaient prêts à mourir pour lui. Et puis il a franchi le Rubicond du « meurtre totem », celui de Sankara. La côte de désamour est progressivement devenu proportionnel, sinon plus, à celui de l’amour. Elle a fini par se transformer en « haine ». Sauf qu’il y a une fatalité d’une certaine conception du pouvoir. On ne voit rien venir. Quand on réalise c’est trop tard.
Que souhaiter en ce premier anniversaire ? Que rien ne nous contraigne à fêter l’année prochaine le deuxième de cette même transition. Quelle que soit la forme. Amen !



31/10/2015
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